AN AMERICAN PICKLE : deux Seth Rogen pour le prix d’un
En 1919, un juif d’Europe de l’Est nommé Herschel Greenbaum fuit les persécutions religieuses en immigrant aux Etats-Unis avec sa femme. À New York, il se lance à la poursuite du rêve américain et devient ouvrier, dans une usine qui fabrique des pickles. Manque de bol, il fait une chute dans une cuve de cornichons, et la boîte pour qui il travaille ferme ses portes. Heureusement pour lui, sa conservation est garantie par la saumure, et le voilà qui se réveille un siècle plus tard dans la même ville, sans avoir vieilli. Bien sûr, il est totalement déconcerté par l’époque qu’il découvre, et le seul membre de sa famille encore vivant et apte à lui faire faire ses premiers pas dans le monde moderne n’est autre que son arrière-petit-fils, Ben Greenbaum.
Mais au-delà de ce synopsis délicieusement absurde, ce qui fait le sel comique de AN AMERICAN PICKLE (2020), c’est que les deux personnages sont incarnés par le même acteur : Seth Rogen. Le film de Brandon Trost repose entièrement sur l’abattage de l’acteur canadien, très crédible pour parler – et s’embrouiller – avec lui-même. Car AN AMERICAN PICKLE joue évidemment sur l’opposition entre ces deux personnages que tout oppose : immigré pauvre, croyant et sanguin, Herschel a bien du mal à comprendre sa descendance, puisque Ben est un geek qui développe des applications, mais aussi un athée solitaire et doux comme un agneau (il a les mêmes préoccupations éthiques que tout hipster de Brooklyn). Malgré l’ampleur de ce choc culturel, notre duo va devoir apprendre à cohabiter afin que Ben puisse renouer avec ses racines familiales, et que Herschel comprenne le monde dans lequel il vit. Avec une bonne dose d’humour juif, le film se moque aussi par la même occasion des tares de notre époque, sans virer dans le moralisme réac.

Sarah Snook (de la série SUCCESSION sur OCS) a bien un petit rôle dans AN AMERICAN PICKLE, mais le film de Brandon Trost est quasiment un seul en scène pour le talent comique de Seth Rogen. Ce dernier fait à nouveau équipe avec Brandon Trost, directeur de la photographie avec qui il a déjà travaillé à de nombreuses reprises, et qui enfile pour la première fois la casquette de réalisateur. Ce duo est en fait un trio, puisqu’Evan Goldberg est l’un des producteurs du film, et qu’on le retrouvait déjà derrière les projets précédents de Rogen et Trost. Les trois ont d’abord été à l’œuvre sur la comédie apocalyptique C’EST LA FIN (2013), première coréalisation entre Evan Goldberg et Seth Rogen, et joli succès au box-office américain. Mais ils feront encore mieux l’année suivante avec NOS PIRES VOISINS (Nicholas Stoller), où Rogen donne la réplique à Zac Efron.
Passons sur le flop controversé L’INTERVIEW QUI TUE ! (2015), la deuxième réalisation de Goldberg et Rogen, sur le film de Noël THE NIGHT BEFORE (Jonathan Levine, 2016) et sur la suite NOS PIRES VOISINS 2 (Nicholas Stoller, 2016) pour évoquer plutôt la dernière grande réussite du trio avant AN AMERICAN PICKLE : THE DISASTER ARTIST (2017). Seth Rogen y retrouve aussi son grand pote et collaborateur James Franco, réalisateur et rôle principal de cette comédie nommée aux Oscars et aux Golden Globes. Si Franco est depuis tombé en disgrâce, Rogen, Trost et Goldberg ont eu la bonne idée de travailler pour la première fois avec l’excellent humoriste du SNL Simon Rich sur AN AMERICAN PICKLE. Le film est adapté d’une de ses nouvelles, et c’est lui qui en signe le scénario. En espérant que cette première expérience réussie avec cette figure montante de la télévision américaine en appellera d’autres.
