Diversité : les mentalités sont-elles vraiment en train de changer à Hollywood ?
La dernière cérémonie des Golden Globes était justement très portée sur cette question de la représentativité de la communauté afro-américaine à Hollywood, que ce soit à l’écran ou dans les palmarès des grands rendez-vous de cinéma. Pointée pour son manque de diversité parmi ses votants, la cérémonie des Golden Globes à cependant récompensé trois acteurs afro-américains sur six prix remis au total à des acteurs de cinéma. Des performances époustouflantes qui ont permis à la comédienne Andra Day, à Daniel Kaluuya ainsi qu’au regretté Chadwick Boseman de décrocher ces globes aussi mérités que convoités.
Depuis cet été et la sortie de DA FIVE BLOODS de Spike Lee, les films traitant de l’Histoire des noirs aux Etats-Unis ou célébrant la diversité de la culture afro-américaine s’imposent enfin en nombre sur les écrans. Comme si le cinéma avait enfin pris la mesure de l’air du temps et de mouvements actuels comme celui de Black Lives Matter. Un réveil de la société américaine qui se traduit donc sur les écrans, mais il ne faudrait pas être naïf quant aux raisons de cette prise de conscience des Studios. Des raisons qui ne sont pas totalement étrangères à des données économiques, comme le rappelle Lee Daniels, réalisateur de BILLIE HOLIDAY, UNE AFFAIRE D’ETAT.
« Tout le monde se réveille et s’aperçoit que les films noirs voyagent bien. Depuis longtemps on dit aux noirs qu’ils n’ont pas accès à plus de budget car leurs films ne marchent pas bien à l’étranger. C’est juste du racisme systémique. Nous faire croire que les noirs n’intéressent pas l’étranger, alors que je fais plein de sous à l’étranger avec mes films. »
Ce racisme endémique hollywoodien, Spike Lee le connaît bien et le combat depuis des décennies, toujours avec la même énergie, comme en atteste DA FIVE BLOODS sans doute son film le plus radical. Parler du passé pour mieux dénoncer un racisme toujours présent tel était l’objectif de Spike Lee. Un changement nécessaire et attendu, déjà réclamé haut et fort dans les années 60, comme l’illustre à la perfection le très réussi JUDAS AND THE BLACK MESSIAH de Shaka King qui raconte l’histoire de Fred Hampton, un dirigeant des Black Panthers assassiné dans son lit par le FBI. Une histoire qui fait malheureusement toujours écho avec l’actualité comme l’a confié la comédienne Dominique Fishback au micro de Didier Allouch.
Un cinéma doté d’une forte conscience politique, qui se penche logiquement sur les grandes figures afro-américaines. C’est le cas notamment de ONE NIGHT IN MIAMI, adaptation d’une pièce de théâtre réalisée par Regina King. Un film qui fait le récit d’une rencontre imaginaire entre Malcolm X, Sam Cooke, Jil Brown et Mohammed Ali pour aborder frontalement le statut de « l’exemple noir » et de sa responsabilité par rapport à la communauté.
Autre personnalité noire et autre conscience politique BILLIE HOLIDAY, UNE AFFAIRE D’ETAT dans lequel le réalisateur Lee Daniels aborde un aspect méconnu de la vie de la chanteuse. Une vie transformée en cauchemar par le FBI simplement parce qu’elle osait interpréter Strange Fruits, une chanson condamnant les lynchages, devenue par la suite symbole de la lutte pour les droits civiques. Une histoire jusqu’ici jamais racontée à Hollywood et portée par la performance d’Andra Day, couronnée aux Golden Globes.
Mais pour comprendre il ne faut pas seulement regarder le passé come le font avec talent ces long métrages, il faut aussi se pencher sur aujourd’hui. Un défi relevé par le cinéma indépendant et par toute une nouvelle génération de réalisateurs afro-américains qui racontent par leurs films ce que c’est d’être noir en Amérique aujourd’hui. Parmi eux Skinner Meyers a réalisé avec un budget minuscule un film fascinant,THE SLEEPING NEGRO, qui oscille entre cinéma contemplatif et constat social sans appel. Une description réaliste d’un racisme totalement ancré dans la culture américaine. Une situation qui ne semble toujours pas prête de changer à Hollywood comme l'a confié le réalisateur à notre correspondant Didier Allouch.
Difficile de trancher entre l’optimiste Lee Daniels et le pessimiste Skinner Meyers, mais une seule chose est sûre, les films sont bel et bien là, ils sont passionnants et ont permis à d’immenses talents d’exploser et quoi qu’il arrive demain à Hollywood, ls racontent tous l’Amérique d’aujourd’hui.