MANK : la fresque passionnante et enivrante de David Fincher

Six ans après GONE GIRL, David Fincher est de retour avec son onzième long-métrage. Basé sur un scénario de son père Jack, ancien rédacteur en chef du magazine Life à San Francisco décédé en 2003, MANK revient sur l’écriture de l’un des films les plus célébrés de l’Histoire du septième art, CITIZEN KANE.
Souffrant et rongé par son alcoolisme, Herman J. Mankiewicz est contacté par Orson Welles pour écrire le script de son futur chef-d’œuvre en un temps record. Afin de dresser le portrait d’un magnat de la presse aussi fascinant qu’énigmatique, le scénariste surnommé « Mank » replonge dans ses souvenirs de l’industrie hollywoodienne. Il s’inspire grandement de William Randolph Hearst, industriel ayant fait fortune dans le secteur minier et propriétaire de nombreux journaux.

Dans le rôle d’un artiste confronté aux changements d’une époque charnière, Gary Oldman trouve un nouveau grand rôle. Après son Oscar en 2018 pour LES HEURES SOMBRES, le comédien pourrait à nouveau être l’un des favoris de la saison des récompenses. Sans chercher à grimer son acteur pourtant habitué aux transformations, David Fincher lui offre un immense terrain de jeu, le laissant naviguer entre des moments de fragilité et d’ivresse poignants, et d’autres où il fait preuve d’une incroyable force de conviction.
Le reste du casting ne démérite pas. Lily Collins, la star d’EMILY IN PARIS, est profondément attachante en soutien honnête d’un auteur éminemment doué mais sur le déclin. Tom Burke offre quant à lui une courte mais saisissante interprétation d’Orson Welles, avec lequel la ressemblance est bluffante.

Plutôt que de se concentrer sur la construction d’un monument du cinéma, David Fincher navigue dans le temps, optant pour une narration non linéaire. Cela lui permet de porter son regard sur l’âge d’or des studios, durant lequel des personnalités excentriques comme Louis B. Mayer et David O. Selznick régnaient en maître.
MANK s’intéresse notamment à une période électorale opposant un socialiste à un républicain conservateur organisée en pleine crise financière. En plus des retombées économiques désastreuses du krach boursier de 1929, le long-métrage évoque aussi la montée au pouvoir d’Adolf Hitler, qui provoque des réactions mitigées chez les puissants et les hauts pontes d’Hollywood, dont William Randolph Hearst, inconscients de la catastrophe en train de se jouer.
Face à leur manque de recul, « Mank » reste lucide malgré les vapeurs d’alcool et fait preuve d’une répartie qui devrait ravir les fans de THE SOCIAL NETWORK. David Fincher a failli tourner le film en 1998 mais l’attente valait largement le coup, tant le long-métrage est en résonnance avec l’époque actuelle. Alors que le septième art est aujourd’hui en pleine mutation, le réalisateur s’interroge sur la place des artistes qui le font vivre et qui tentent de conserver leur intégrité coûte que coûte. À l’arrivée, MANK est nettement plus qu’une simple immersion dans la naissance de CITIZEN KANE. Ce qui n’est en rien étonnant au vu des ambitions de ce cinéaste majeur.
MANK sur Netflix le 4 décembre, disponible avec CANAL+