Vito Russo, l’indispensable historien de l'homosexualité au cinéma

C’est un pan entier de l’histoire du cinéma, longtemps méconnu et sciemment caché, que nous permet de voir Vito.

Ce documentaire retrace la vie de l’Américain Vito Russo (1946-1990), un activiste pour les droits LGBT, cofondateur du Gay and Lesbian Alliance Against Defamation, une organisation visant à dénoncer les attaques contre les personnes LGBT dans les médias. On le voit ainsi, dans Vito, se battre contre le New York Post, journal engendrant « haine et peur » en pleine épidémie de sida…

Mais avant d’être un militant qui se battit jusqu’au bout contre le virus, Vito Russo était un passionné de cinéma, historien et critique, qui, avec ses écrits, a provoqué une petite révolution dans le monde du 7e art.

Quoi que diplômé en cinéma à l’université de New York, derrière ses grandes lunettes, le natif de East Harlem était loin d’être un universitaire retranché dans son bureau. Charismatique, fêtard et ultra populaire, cet échalas en pantalon pattes d’éléphant assumait son homosexualité dans l’Amérique encore très répressive des années 1970.

Une époque bouillonnante durant laquelle, juste après les émeutes de Stonewall en 1969, les organisations promouvant les droits des homosexuels se structurèrent.

C’est dans cette atmosphère particulière, créative et explosive, que commencent les recherches de Vito Russo. Et ses cours… Dans ses conférences pleines à craquer, il raconte une autre histoire du cinéma.

Dans les films des années 1930 à 1960, il pointe, ici et là, des références à l’homosexualité que personne n’avait vues (ou voulu voir). Des allusions, des sous-entendus disséminés dans tous les genres, des péplums (Spartacus de Stanley Kubrick) aux westerns (Red River) en passant par Gilda (photo) ou La Fureur de vivre.

Car le passionné rappelle qu’aux États-Unis, de 1934 à 1966, le code Hays fut appliqué. Une autocensure particulièrement dure, visant à garantir les bonnes valeurs morales… lesquelles excluaient catégoriquement l’homosexualité, à l’époque considérée au mieux comme une perversion. Il s’agissait donc d’être subtil… ou de donner le mauvais rôle aux gays.

Vito Russo démontre, bobines à l’appui, comment Hollywood a « invisibilisé » ou diabolisé ces personnages, hommes comme femmes. Ceux-ci étaient forcément mauvais, menaçants ou psychopathes, de La Corde d’Hitchcock à Lawrence d’Arabie.

Perdus, ils et elles étaient voués à connaître une fin misérable, être punis ou à se suicider. Au mieux, ils étaient caricaturés et tournés en ridicule… Avant Russo, personne n’avait soulevé ce pan méconnu de l’histoire du cinéma, qui a pourtant forcément façonné la perception des homosexuels par le grand public.

Après une série de conférences décapantes sur ce sujet à travers le pays, l’historien compile ses recherches dans un essai qui deviendra un best-seller, The Celluloid Closet (1981), sortant du placard ces personnages gays oubliés ou malmenés.

Un ouvrage qui fait, encore aujourd’hui, référence. Mort du VIH en 1990, Vito Russo n’a pas pu voir l’adaptation de son livre par Rob Epstein, sortie sur les écrans cinq ans plus tard. Mais le public, si.

Vito, Documentaire, 1h29, en ce moment sur HELLO.