Avec la série The Dropout (Disney+), Amanda Seyfried a trouvé le rôle de sa vie

Il y a quelque chose d’instantanément fascinant dans le personnage d’Elizabeth Holmes, une femme dont le parcours et la personnalité sont tellement dingues qu’on peine parfois à croire qu’elle existe réellement. Et pourtant, The Dropout est bien basée sur une histoire vraie, celle de cette étudiante de la très prestigieuse fac de Stanford en Californie, qui arrête ses études (dropout en anglais) à l’âge de 19 ans pour créer sa boîte à Palo Alto dans la Silicon Valley. Nous sommes au début des années 2000, et Elizabeth est obsédée par la réussite de son idole, Steve Jobs. Elle ne s’en cache nullement : elle aussi veut devenir milliardaire et changer le monde en inventant des choses.
Dopée au développement personnel et intimement convaincue qu’elle va accomplir ses rêves les plus fous, cette jeune femme introvertie complètement en décalage avec les jeunes de son âge est prête à faire n’importe quoi pour réussir. Ce n’importe quoi prendra la forme de Theranos, une société qui promet à tout un chacun de pouvoir réaliser des tonnes de tests sanguins chez soi à l’aide d’un petit appareil de la taille d’un iPod, et en prélevant seulement une petite goutte (drop en anglais) de sang, le tout sans aiguille. Une perspective révolutionnaire pour le système de santé américain, mais qui repose sur un mensonge : le système mis au point par Theranos n’a jamais prouvé son efficacité scientifique. Mais il faudra longtemps avant que ce léger point de détail ne soit connu.

Avant que la supercherie ne soit révélée par un article en 2015, Theranos a fait la fortune et la réputation d’Elizabeth Holmes. Portée aux nues par les investisseurs et les médias, elle est vite catapultée « plus jeune milliardaire autodidacte du monde » (comprendre : pas héritière, même si elle est issue d'une famille de riches industriels) en parvenant à lever des centaines de millions, jusqu’à faire atteindre à Theranos une valorisation faramineuse de 9 milliards de dollars. Holmes apparaît dans le classement Forbes 400 des Américains les plus riches, et elle est même citée dans la fameuse liste des cent personnalités les plus influentes du monde, établie chaque année par Time Magazine.
La série nous régale en appuyant sur le rapport pathologique de son anti-héroïne à la réussite et à l’image : Elizabeth Holmes adopte comme uniforme le fameux col roulé de son idole Steve Jobs, et modifie même la tessiture de sa voix. Et pendant plusieurs années, cela fonctionne tellement bien qu’elle est la nouvelle coqueluche de la Silicon Valley, toujours à la recherche de nouvelles têtes pour renouveler sa mythologie des jeunes prodiges aux idées révolutionnaires. Il est d’ailleurs frappant de voir à quel point The Dropout fait écho au chef-d’œuvre de David Fincher, The Social Network (2010), qui racontait la naissance mouvementée de Facebook en assimilant Mark Zuckerberg à une sorte de sociopathe, un trouble dont Elizabeth Holmes semble aussi souffrir.

Après avoir dépeint son irrésistible ascension, il faut voir avec quelle virtuosité The Dropout met en scène la chute spectaculaire de cette femme en totale perte de contact avec la réalité, ne reculant devant aucun mensonge et ne perdant jamais confiance en elle, même dos au mur. L’histoire de déchéance de ce personnage est une mine d’or pour la fiction, mais encore fallait-il avoir trouvé la bonne actrice pour lui donner corps. Avec ses grands yeux écarquillés et son regard froid, Amanda Seyfried constitue une candidate idéale, et la manière dont elle saisit l’entêtement, les évolutions, les ambiguïtés et les traumatismes de son personnage (licenciement humiliant de son père chez Enron, viol à Stanford) force l’admiration. L’actrice nommée aux Golden Globes et aux Oscars l’an dernier pour son second rôle dans Mank (David Fincher, 2020) passe clairement un palier dans sa carrière avec ce rôle, bien secondée par Naveen Andrews (Sayid dans Lost) qui incarne Sunny Balwani.
Ce dernier tient une place centrale dans l’histoire de la série, puisqu’il s’agit du président de Theranos, et qu’il entretenait une relation secrète avec Holmes à l’époque où ils travaillaient ensemble. À la tête de The Dropout, on retrouve enfin Elizabeth Meriwether, créatrice de New Girl (Disney+), qui adapte ici le podcast éponyme de la journaliste américaine Rebecca Jarvis, consacré à l’affaire Theranos. Et le réalisateur des quatre premiers épisodes n’est pas un inconnu, puisqu’il s’agit de Michael Showalter, derrière la caméra pour The Big Sick (2017) et le tout récent Dans les yeux de Tammy Faye (2022), qui a valu à Jessica Chastain l’Oscar de la meilleure actrice et qui raconte, comme The Dropout, l’ascension et la chute d’une femme au destin hors du commun.
The Dropout épisodes 1 à 8 sur Disney+, disponible avec CANAL+.