DANS LES YEUX DE TAMMY FAYE, la métamorphose de Jessica Chastain
Tammy Faye est quasiment inconnue en France, mais de l’autre côté de l’Atlantique, c’est une véritable icône de la télévision américaine. Pendant une petite quinzaine d’années, elle a en effet été la star d’une émission religieuse dite « télévangéliste », The PTL (Praise the Lord) Club, aussi connue sous le nom de Tammy Show. Accompagnée de son mari, Jim Bakker, Tammy prêchait la bonne parole à tous les Américains en chantant notamment dans des spectacles d’un kitch assez inimaginable aujourd’hui. Car Tammy Faye n’est pas une bigote coincée à l’allure rigide. Constamment affublée d’un maquillage tellement outrancier qu’il est devenu sa marque de fabrique, c’est une femme « larger than life » dont le destin en dents de scie se prête parfaitement à un biopic flamboyant comme Hollywood en raffole.
Et c’est exactement ce à quoi DANS LES YEUX DE TAMMY FAYE devrait ressembler. Le film de Michael Showalter ne se concentre pas sur une seule période de la vie du personnage : il raconte son ascension à la télévision, sa chute en raison de plusieurs scandales liés à son mari, et l’inévitable rédemption, puisque malgré ses racines fondamentalistes, Tammy Faye était connue publiquement pour son ouverture vis-à-vis des personnes LGBT et des malades du sida, en particulier lors des débuts foudroyants de l’épidémie. Autant dire qu’avec sa grande gueule et son message d’amour inconditionnel, Tammy Faye détonnait dans l’Amérique ultraconservatrice de cette époque. Et quand on est à la tête de la plus grosse chaîne de télé évangélique du monde, mais aussi d’un parc à thème chrétien et que l’argent coule à flots, on se fait inévitablement quelques ennemis pressés d’abattre cet empire.

Pour entrer dans la peau d’un tel personnage, il fallait une actrice prête à passer 4 à 7 heures par jour de tournage à se faire poser une dose impressionnante de maquillage prosthétique. Un travail d’orfèvre déjà logiquement récompensé par le BAFTA des meilleurs maquillages et coiffures, avant peut-être un Oscar dans cette catégorie aussi. Malgré cette transformation stupéfiante et son interprétation « totale » (elle chante tous les titres de Tammy Faye dans le film), Jessica Chastain n’est en revanche pas favorite dans la catégorie meilleure actrice, où la concurrence fait rage. Lors des éditions 2012 et 2013, elle était déjà passée à côté de sa première statuette pour ses rôles dans LA COULEUR DES SENTIMENTS (Tate Taylor, 2011) puis le controversé ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow (2012).
Depuis, Jessica Chastain est entrée dans une autre dimension à Hollywood, un changement de statut illustré entre autres par son passage à la production. C’est d’ailleurs elle qui est à l’origine du film de Michael Showalter : elle a acheté les droits d’adaptation de la vie de Tammy Faye en 2012 avant de concrétiser le projet en 2019. Outre la présence de Chastain dans le rôle principal, le film bénéficie aussi de l’apport au casting d’un autre acteur en lice cet année aux Oscars, Andrew Garfield. L’acteur nommé pour sa prestation renversante dans TICK, TICK... BOOM! (2021) a tout du choix parfait pour incarner le mari de Tammy Faye, et on regrette seulement de ne pas pouvoir profiter de ses qualités vocales découvertes dans le film de Lin-Manuel Miranda sorti sur Netflix. Il reste à espérer que le réalisateur Michael Showalter confirmera avec DANS LES YEUX DE TAMMY FAYE les promesses entraperçues dans sa comédie romantique THE BIG SICK (2017), nommée pour l’Oscar du meilleur scénario original en 2017.
