LA FAMILLE ASADA : une famille sans clichés
Vous avez des préjugés sur ce qu’est une famille japonaise lambda ? Vous les croyez stricts, disciplinés, pas “fun fun”, quoi ? Courez découvrir cette fameuse FAMILLE ASADA et son histoire vraie, souvent très drôle mais aussi tragique.
Nous avons rencontré à Paris le réalisateur du film mais également Masahi Asada, celui dont l’histoire nous servira de fil rouge dans ce “feel good movie”.

Pour ce dernier, le fait de mettre en scène l’histoire de sa famille, avec des comédiens, a été une nouvelle stupéfiante :
« La première fois que l’on m’a annoncé qu’il y avait un film qui allait être fait, j’ai eu du mal à y croire : j’avais un peu du mal à imaginer ce que cela pourrait donner. C’était un peu comme un rêve quelque part parce que je ne voyais pas exactement à quoi cela pourrait ressembler. En ce qui concerne mes parents, ils étaient encore plus surpris que moi parce que moi, dans le cadre de mon travail de photographe il m’arrive de rencontrer des gens, des acteurs, des comédiens etc. ce qui n’est pas leur cas : ils vivent à la campagne dans la préfecture de Mie (nda : au sud de l’île de Honshu) et ils n’ont jamais eu l’occasion de rencontrer ce genre de personnes, donc je crois qu’ils étaient encore plus heureux et enthousiastes que moi. »

Mais pourquoi au fait avoir choisi cette famille et pas une autre ? Probablement parce qu’elle est exceptionnelle (comme toutes les familles en fait) mais surtout parce que Masahi s’est servi dans le cadre de ses études de photographie de ses parents et de son frère comme modèles. Les membres de cette famille sont mis en scènes dans divers rôles drolatiques (une équipe de football, des pompiers, des yakuzas etc.) et les photos obtenues commencent à obtenir un grand succès lors de la parution d’un recueil. Masahi Asada s’est pris au jeu de reconstituer ses photos “réelles” avec les comédiens du film :
« C’est vrai, raconte-t-il, que c’était un exercice auquel je ne m’étais jamais prêté. Quand je fais des photos ce sont toujours des photos originales normalement or, là, il a fallu reproduire des photos que j’avais déjà faites avec des acteurs. C’était une première. C’est très étonnant parce que pour faire une photo identique mais avec des personnes différentes. Il y a forcément des ajustements à faire. Parfois on a tourné exactement au même endroit, parfois on a dû choisir des décors un peu différents, donc ce sont des reproductions qui ne sont pas exactement identiques mais on a tout de même essayé d’être au plus près. Les acteurs n’ont pas la même taille que les membres de ma famille ou alors ils ont des visages qui ont des traits différents, mais le fait de se placer 5 centimètres devant ou derrière peut complètement changer la morphologie de la photo. Tous ces ajustements entre la photo originale et ce que j’avais sous les yeux avec les acteurs a été vraiment un challenge très intéressant parce qu'il a fallu se rapprocher au plus près de l’original et peaufiner pour arriver à un résultat le plus identique possible. »

Les motivations du réalisateur Ryôta Nakano pour nous offrir le portrait de cette famille un peu frapadingue sont en réalité assez étranges. On pourrait dire qu’il s’agissait d’un moyen détourné pour raconter en fait, dans une deuxième partie, une tragédie nationale encore peu représentée en fiction : l’après Tsunami de 2011.
« Au départ, dit-il, juste après la catastrophe de Fukushima, en tant que créateur, je n’avais aucune idée de comment relater ces évènements. J’avais envie de raconter cette histoire mais franchement, je ne voyais pas comment m’y prendre ? Pendant 5 à 6 ans j’ai tourné autour sans rien pouvoir en tirer. C’est alors que j’ai découvert le travail de Masahi Asada et ses photos. Je me suis dit alors que peut-être cela serait possible à travers son « personnage », lui qui s’est rendu sur place pour aider des gens et qui a participé à la reconstruction de cette région en tant que bénévole. J’ai pensé que cela pourrait être un bon moyen d’y parvenir. C’est véritablement ma rencontre avec lui qui a été déterminante et qui m’a permis aujourd’hui de réaliser ce film. S’il n’y avait pas eu la première partie sur la filiation familiale, sur qu’est-ce que c’est qu’une famille et comment on peut s’en amuser, je n’aurai pas pu réaliser la seconde partie. On peut penser qu’elles sont très éloignées l’une de l’autre mais en réalité pour moi elles sont intimement liées. De mon point de vue c’est grâce à cette première partie que l’on peut raconter la deuxième. »
Car oui, Masahi Asada est un héros ordinaire. Alors qu’il était auréolé du succès de ses photos de famille et couronné du prix Kimura Ihei, le plus grand prix photographique au Japon, il se rend dans la région de Tohoku, là où se situait la centrale nucléaire de Fukushima, pour se porter bénévole dans les heures qui suivent la catastrophe.
“Masahi Asada est allé très vite sur place sur le lieu des évènements, explique Ryôta Nakano. Il a fait le choix de ne pas photographier. Mais c’est parce que cela correspond à son intime conviction personnelle. Il est nécessaire aussi que certains photographes prennent des photos des évènements au moment où ils se produisent pour pouvoir les diffuser à travers le monde. C’est un travail qui est tout aussi nécessaire. A-t-il eu raison de ne pas le faire, lui ? C’était un choix qui lui appartenait. Il a préféré faire le choix du nettoyage des photos récoltées dans les décombres, ce qui est aussi une tâche extrêmement noble puisque c’était une manière de sauver de la destruction des photos de famille (nda : on ne se refait pas !). Pour réaliser ce film, je disais tout à l’heure que sur le moment j’ai eu du mal en tant que créateur à prendre ma caméra. J’aurais pu le faire et d’ailleurs il y a eu tout de suite après le tremblement de terre de nombreux cinéastes qui ont voulu en parler. Chacun fait en fonction de ses ambitions et de ses envies. Il n’y a pas de jugement de valeur à porter...”
Charmant, vibrant et humain, cette FAMILLE ASADA ne devrait pas vous laisser de marbre. Mieux, elle devrait vous donner un sourire naturel, de ceux que l’on ne trouve pas sur les photographies ordinairement posées.