ARGO : quand Ben Affleck tutoyait les sommets et les Oscars
Aussi fou que cela puisse paraître, le scénario d’ARGO est bien inspiré d’événements réels. En 1979, l’ambassade américaine en Iran est envahie par la population locale, hostile au Chah Mohammad Reza Pahlavi, exilé au Etats-Unis depuis la révolution iranienne entamée un an plus tôt. Des dizaines d’américains sont pris en otage sur place, mais six parviennent à fuir et trouvent refuge chez l’ambassadeur du Canada. Consciente que les iraniens vont tôt ou tard découvrir qu’ils manquent à l’appel, la CIA fait appel à l’agent spécialisé dans l’exfiltration Tony Mendez (Ben Affleck dans le film) pour les ramener à la maison. Il échafaude alors un plan improbable dans lequel il compte faire passer les six diplomates pour des membres canadiens de l’équipe d’un film de science-fiction fictif (nommé ARGO), et qui se trouveraient en repérage en Iran avant le tournage.
Mais pour que le subterfuge puisse fonctionner, il faut que le film soit aussi réel que possible, ce qui oblige la CIA à lancer le projet à Hollywood avec une vraie équipe de renom. Les inévitables arrangements d'ARGO avec la réalité des faits donnent à cette occasion des scènes savoureuses entre la CIA à Washington et Hollywood, avec un trio d’acteurs (Bryan Cranston, John Goodman et Alan Arkin) en grande forme. Mais cette dimension comique très réussie laisse la place à un modèle de thriller politique au suspense insoutenable pour toute l’exécution du plan en Iran, quand bien même le spectateur connaît la fin de l’histoire à l’avance.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la carrière de l’ancienne obsession des magazines people n’a pas suivi une trajectoire rectiligne. Après avoir remporté l’Oscar du meilleur scénario original avec Matt Damon pour WILL HUNTING (Gus Van Sant, 1997), où les deux amis tiennent aussi les rôles principaux, son omniprésence dans des blockbusters ratés et des fours au box-office ternissent sérieusement le début de sa filmographie. Heureusement pour lui, Ben Affleck est sauvé par son rôle de George Reeves – le premier acteur à avoir joué Superman – dans HOLLYWOODLAND (Allen Coulter, 2006), qui lui apporte un début de rédemption auprès du public et des critiques.
C’est à ce moment qu’il a la bonne idée de passer derrière la caméra en réalisant son premier film, GONE BABY GONE (2007), dans lequel il laisse le soin à son frère, Casey Affleck, d’interpréter le personnage principal, un détective privé à la recherche d’une fillette disparue à Boston. Le long-métrage est une réussite, et Ben Affleck récidive en mieux avec THE TOWN (2010), un film de casse où il incarne un braqueur à la tête d’un gang, toujours à Boston. ARGO confirme définitivement la remise en route de sa carrière sur d'excellents rails, puisqu'il remporte trois Oscars en 2013 (meilleur film, meilleur montage et meilleur scénario adapté). Mais étrangement, Ben Affleck n’est même pas nommé dans la catégorie du meilleur réalisateur, une non-sélection restée célèbre et qui illustre aussi l’image compliquée qui l’accompagne depuis ses débuts. Il peut se consoler avec le rôle très marquant que David Fincher lui offre dans le thriller GONE GIRL (2014), mais ce succès est suivi d’un retour sur la pente descendante.

En 2017, Ben Affleck fait un bide avec LIVE BY NIGHT, son quatrième film en tant que réalisateur, pourtant marqué par une reconstitution ambitieuse de l’époque de la prohibition. Et quand il est choisi pour incarner le chevalier noir dans les deux productions de Zack Snyder, BATMAN V SUPERMAN : L'AUBE DE LA JUSTICE (2016) et JUSTICE LEAGUE (2017), cela déclenche des réactions négatives délirantes sur Internet, où des pétitions circulent pour lui retirer le rôle avant même la sortie des films. Résultat, il laisse d’abord la casquette de réalisateur du prochain film THE BATMAN (2022) à Matt Reeves, et il finit carrément par en faire de même avec le costume de Bruce Wayne, qui sera en définitive enfilé par Robert Pattinson.
Mais une nouvelle fois, Ben Affleck s’est relevé, et on a pu le découvrir cette année THE WAY BACK (Gavin O’Connor), où il excelle dans le rôle d’un entraîneur de basket alcoolique. Et il sera à l’affiche de deux films très attendus cette année : EAUX PROFONDES (Adrian Lyne), un thriller érotique où il ne fera a priori pas que partager l’affiche avec Ana de Armas, et surtout THE LAST DUEL, le prochain long-métrage de Ridley Scott, qui marque son retour au scénario avec Matt Damon – qui l’accompagnera aussi au casting – dans une histoire médiévale de vengeance tournée en France. On peut aussi croiser les doigts pour que ses projets actuels de réalisateur se concrétisent, et soient au moins du même tonneau qu’ARGO, qui reste encore aujourd’hui le sommet de la carrière de Ben Affleck.
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