Un monde plus grand : le chamanisme à l'écran
« Les portes du monde du chaman s'ouvrent une fois que le guerrier a appris à faire taire son dialogue intérieur » écrivait Carlos Castaneda, écrivain et anthropologue connu pour savoir reçu un enseignement chamanique. Il y aurait beaucoup à méditer. Si le cinéma est mieux que la vie pour reprendre ce que disait François Truffaut, c'est peut-être parce qu'il peut offrir Un monde plus grand, cette fois pour paraphraser le titre du film de Fabienne Berthaud.
La réalisatrice a adapté l'histoire de la journaliste Corine Sombrun (ici interprétée par Cécile de France) qui, au cours d'un reportage en Mongolie, a assisté à une cérémonie chamanique. À partir de là, sa vie a complètement changé. Un monde en grand donne alors à voir des séquences de chamanisme emplies de beauté et de mystère, loin de la réalité matérielle et proche de cette expérience hors du commun vécue par ladite journaliste ou par des artistes tels que Carlos Castaneda ou Jan Kounen.
Si Castaneda pouvait relater son expérience avec des mots, comment retranscrire l'expérience chamanique à l'image ? S'il y a bien un réalisateur dont le nom rime avec « trip mystique », « ésotérisme » et bien sûr « chamanisme », c'est évidemment Jan Kounen. Son western psychédélique Blueberry (2004) est une porte (de la perception) grande ouverte vers la découverte du chamanisme, ce qui a déconcerté les esprits pas forcément préparés à ce genre de voyage. Jan Kounen autant que Vincent Cassel, qui incarne Blueberry dans le film, ont tenté l'expérience chamanique afin de la retranscrire de la façon la plus réaliste à l'écran.
D'autres mondes (2004), toujours de Jan Kounen, est une enquête sur le sujet où le cinéaste se transforme en journaliste en interviewant des experts, en plus d'endosser la cape du reporter gonzo puisqu'il y dévoile justement son propre apprentissage du chamanisme et de la culture Shipibo-Conibo en Amazonie Péruvienne. Un Monde plus grand fait écho à D'autres mondes ; au fond ces deux films – leur titre autant que leur contenu – traduisent la même idée de réalités alternatives. Quoi de plus beau que le cinéma pour proposer ces mondes, qu'ils soient « autres » ou « plus grands » ? En tout cas, pour répondre à la question initiale, le meilleur moyen de les retranscrire à l'écran, c'est bien sûr d'avoir vécu ces expériences.
L'expérience chamanique est un matériau idéal de cinéma. D'abord, d'un point de vue émotionnel, quand le réalisateur tente de traduire ses visions par des plans hallucinants. Ensuite, d'un point de vue disons plus cérébral, quand il essaye d'approcher l'insondable, à défaut de le percer complètement. On peut citer des films comme Deadman (Jim Jarmusch, 1996), Still the water (Naomi Kawase, 2014), l'Etreinte du serpent (Ciro Guerra, 2015), The Strangers (Na Hong-jin, 2016) ou même tout simplement Chaman (1996) réalisé par le fondateur du théâtre équestre Zingaro Bartabas. Tous ces longs-métrages contiennent des scènes d'initiations ou de rites chamaniques, aussi différentes soient-elles.
Sans oublier, en plus du film D'autres mondes, des documentaires tels que Ciguri 99 - Le Dernier Chaman (1999), où en tournant au Mexique en territoire Tarahumara, Raymonde Carasco et Régis Hébraud filment le déroulement d’une danse rituelle, au son de textes d’Antonin Artaud.
En tout cas, ce qui est passionnant avec Un monde plus grand, c'est qu'il peut se voir aussi bien comme une enquête que comme une initiation. On apprend autant que l'on ressent.
Un monde plus grand, disponible dès le 18/08 sur CANAL+
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Toutes les vidéos cinéma, films et émissions sont disponibles sur myCANAL
Suivez Cinéma Canal+ sur :