Tina, le doc définitif sur le destin tourmenté de Tina Turner
Dès les premières images, ce qui saute aux yeux ce sont les gouttes de sueur sur son visage. Tina Turner sur scène et dans la vie, c’est une force de travail, une résistance extraordinaire aux conditions les plus difficiles, que ce soit dans un stade de Rio face à un public chauffé à blanc de 180 000 personnes ou face à la violence de l’homme avec qui elle a construit la moitié de sa carrière et de sa vie. Avec ce documentaire réalisé en grande pompe, la chanteuse née Anna Mae Bullock dans le Tennessee conclut cinquante années passées au four et au moulin à chanter, danser, et tenter de survivre dans un monde qui lui en a fait voir de toutes les couleurs.
Grâce aux multiples images d’archives et aux témoignages inédits, on découvre la réaction des premiers professionnels qui l’ont entendue : « Je ne croyais pas qu’une telle voix pouvait sortir d’un corps si frêle ». Nous sommes en 1958, elle joue déjà tous les week-ends avec l’expérimenté guitariste et compositeur Ike Turner, auteur d’un hit rock & roll dès 1951, avant de retourner au lycée la semaine. « Il était son héros, son grand-frère, il la voyait comme une petite sœur » explique un choriste de l’époque. « J’étais jeune et naïve, une fille de la campagne… », raconte-t-elle dans la vaste demeure suisse où elle vit aujourd’hui. Tina tombe amoureuse, Ike la couvre de fourrure et de bijoux mais celui-ci, violent et paranoïaque après avoir subi de nombreuses arnaques dans le monde du show-bizz, la couvre également de coups. Malgré cela, leur duo conquiert petit à petit les scènes de rhythm & blues, puis les stations de radio, puis le pays tout entier.

Il lui faudra des années pour se défaire de cette emprise autant amoureuse, mentale qu’artistique. Le documentaire de Daniel Lindsay et T.J. Martin a la bonne idée de prendre son temps et d’explorer toutes les facettes de leurs relations, du rapport à la violence très ancien de l’artiste, et de sa libération. Tina raconte les viols, les coups quand elle tombe enceinte et ne veut plus partir en tournée : « La torture a commencé et ne s’est jamais arrêtée. Mais pourtant, j’avais de la peine pour lui ». Malheureuse, Tina cherche une porte de sortie. « Elle semblait ne pas être née au bon endroit et à la bonne époque » explique son biographe. Ce sera le bouddhisme qui lui donnera la force de se séparer de son bourreau et de garder son nom de scène. Endettée, elle se remet au boulot à Las Vegas et partout où on veut de son show.
Grâce à un nouveau manager australien, Roger Davies, subjugué par ses capacités scéniques, elle va réaliser son rêve : « remplir des stades comme les Rolling Stones ». Et pourtant, aucune femme ne l’a fait jusque là, personne dans le métier ne croit en elle comme artiste solo et Tina est plus âgée que ses concurrentes. Elle change d’image, coupe ses cheveux, passe du cabaret au rock, affronte la méfiance de sa maison de disques puis contre toute attente casse la baraque. Dès 1984, son album « Private Dancer » avec la chanson « What’s love got to do with it » bat des records et elle lance une tournée de 280 dates en un an et demi... Sa revanche est totale, Ike est oublié et elle devient l’égale de David Bowie et Mick Jagger avec qui elle enregistre. Sa biographie sera un best-seller mondial, le cinéma lui fera même les yeux doux avec un rôle à sa démesure dans « Mad Max 3 » et en lui offrant un biopic à succès. Pour ce film, Tina ose raconter sa vie amoureuse, ses doutes, elle ouvre toutes les portes comme pour mieux conclure une vie marquée par la violence et devenue miraculeuse dans sa seconde moitié.
Tina, un documentaire CANAL+.