Un Triomphe : Kad Merad organise l'évasion des prisonniers par le théâtre
UN TRIOMPHE (Emmanuel Courcol, 2020) suit le parcours d'Étienne (Kad Merad), un acteur qui se met à animer un atelier de théâtre en prison jusqu'à faire répéter aux détenus la célèbre pièce de Samuel Beckett En attendant Godot (1952). Le film s'inspire d'une histoire vraie qui a eu lieu en Suède dans les années quatre-vingt et qui elle-même a donné le documentaire PRISONNIERS DE BECKETT (Michka Saal, 2005). Et ce n'est pas la seule histoire (vraie donc) de ce genre-là...
Revenons en France. En 2018 le metteur en scène Olivier Py a amené des prisonniers du centre pénitentiaire de Ponthet jusqu'au Festival d'Avignon pour jouer Antigone (Jean Anouilh, 1946). Rayon documentaire, LE GRAND JOUR : DE LA PRISON A ODEON (Guy Beauché, 2020) retrace une histoire similaire : celle de la constitution d'un groupe de comédiens à la prison de Fresnes jusqu'à la représentation de leur pièce devant huit-cents personnes.
En fait, il manquait juste une fiction sur ce thème dans la production cinématographique française. Et c'est un pari gagné : UN TRIOMPHE (qui porte bien son nom) a remporté deux prix au Festival d'Angoulême. Le voici maintenant en sélection officielle du Festival de Cannes.

Dans UN TRIOMPHE, il y a deux films. Le premier : le « making-of » d'une pièce de théâtre. Le second : les coulisses d'une prison. On a pu voir comment se monte une pièce dans de grands classiques, de JEUX DANGEREUX (Ernst Lubitsch, 1942) intitulé en version originale TO BE OR NOT TO BE, à OPENING NIGHT (John Cassavetes, 1977) jusqu'à BIRDMAN (Alejandro González Iñárritu, 2015), film sur les coulisses du théâtre de Broadway.
Et des longs-métrages français récents sur le milieu carcéral ? Ils sont légion. D'UN PROPHETE (Jacques Audiard, 2009) à DOG POUND (Kim Chapiron, 2010) en passant par UNE PRIERE AVANT L'AUBE (Jean-Stéphane Sauvaire, 2018). Le point commun entre ces longs-métrages, et le cinéma en prison en général ? L'ambiance y est noire et poisseuse ; il y a des conflits, des suicides... Dans le cas du film UN TRIOMPHE, c'est l'inverse. Le titre annonce la couleur. Finie la noirceur. Si la prison incarne le parfait décor de huis clos asphyxiant, ici il ne s'agit pas de tourner en rond mais d'avancer.

D'Oscar Wilde avec De Profundis (1905) au Notre-Dame des Fleurs de Jean Genet (1943), beaucoup d’œuvres ont été rédigées en prison ; le problème, c'est qu'elles ont été écrites dans la solitude la plus totale. Le théâtre est évidemment collectif. Dans l'esprit, UN TRIOMPHE rappelle plutôt LE CERCLE DES POETES DISPARUS (Peter Weir, 1990), film dans lequel un groupe de jeunes donne un sens à sa vie grâce à une activité artistique, celle-ci permettant simplement de s'exprimer. On pense encore et surtout au film des frères Taviani CESAR DOIT MOURIR (2012) conçu comme un docu-fiction se déroulant à la prison de Rebibbia, à Rome. Les détenus jouent Jules César (William Shakespeare, 1623), pour ensuite retourner derrière les barreaux.
Les films de prison racontent la plupart du temps des tentatives d'évasion. Parfois, les détenus y parviennent, parfois ils échouent. Ce qui est sûr, c'est que le théâtre est un moyen efficace, aussi métaphorique soit-il, de « s'évader ».
UN TRIOMPHE fait partie des quatre films de la Sélection Cannes 2020 à être diffusés en avant-première lors du Festival (entre le 27 et le 29 octobre)