Mercredi : retour en forme pour Tim Burton sur Netflix
Les très nombreux fans des deux films de Barry Sonnenfeld sur La Famille Addams (1991 et 1993) le savent : Mercredi Addams est surtout connue comme étant une enfant. Trente ans après, la série de Netflix fait le choix compréhensible de renouveler le regard sur ce personnage si populaire, en imaginant son adolescence et ses années lycée.
Ce changement de registre signifie d’abord que cette série est un teen drama : exclue de son huitième lycée après avoir lâché des piranhas sur les harceleurs de son frère, Mercredi est envoyée par Morticia et Gomez à la Nevermore Academy, lieu de rencontre de ses parents et fameuse école pour tous les marginaux de la société.
Cette version de La Famille Addams rappelle à peine un certain sorcier imaginé par J.K. Rowling, puisque dans cette école néogothique, les élèves se répartissent en quatre factions : sirènes, gorgones, vampires et loups-garous, tandis que les personnes de l’extérieur sont qualifiées de normies. Evidemment, même ici, Mercredi ne rentre dans aucune des catégories – ses uniformes noirs sont uniques –, et son intégration n’est pas facilitée par son aversion pour les normes sociales et tout ce qui intéresse les ados de son âge.
Et alors qu’elle doit déjà composer avec des camarades parfois suspects et une voisine de chambre gentille mais qui représente tout ce qu’elle déteste – une passion pour les couleurs criardes, les ragots et les réseaux sociaux –, Mercredi doit aussi enquêter sur une mystérieuse série de meurtres ultraviolents, ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire, d’autant plus que ses racines familiales cachent également quelques secrets dans cet établissement.

Affublée d’un visage impassible qui ne sourit jamais pour faire plaisir à ses interlocuteurs – un modèle féministe qui rappelle Daria – et surtout d’un humour pince-sans-rire, cette Mercredi adolescente est dotée d’une répartie assassine dont elle fait profiter absolument tout le monde sans aucun filtre. C’est ce qui rend son personnage si attachant, mais ici, les deux showrunners – Alfred Gough et Miles Millar de Smallville – ont aussi décidé de la doter de capacités psychiques puissantes qui la rapprochent volontairement de la sorcellerie.
On irait presque jusqu’à dire qu’il y a ici un petit côté super-héroïne, car outre ses talents d’enquêtrice dignes de Veronica Mars, Mercredi est aussi très douée pour la baston et l’escrime. Et c’est aussi une artiste qui écrit des romans à la machine à écrire, joue Paint It Black au violoncelle et improvise une chorégraphie de danse géniale sur la musique des Cramps…
Bref, il fallait une actrice capable de tout faire pour l’incarner, et c’est là qu’entre en piste Jenna Ortega. L’actrice présente dans le dernier Scream et révélée par des productions Netflix comme Jane the Virgin, You ou Yes Day fait des miracles dans ce rôle, et malgré un tournage qui a visiblement été très éprouvant selon ses dires, elle réussit un défi que l’on pensait impossible : faire oublier la Mercredi de Christina Ricci – qui occupe d’ailleurs un second rôle dans la série, entre deux saisons d’un autre teen drama, Yellowjackets.

Si les apparitions de Catherine Zeta-Jones (Morticia), Luis Guzmán (Gomez) et Fred Armisen (Oncle Fétide) sont rares, on retrouve en revanche au casting principal Gwendoline Christie (Game of Thrones), qui joue le rôle crucial de proviseure de la Nevermore Academy, Riki Lindhome (À couteaux tirés), Hunter Doohan (Your Honor) et le jeune Percy Hynes White (The Gifted).
Bien sûr, La Chose est également présente, dans une version rafistolée très cohérente avec l’univers de Tim Burton. Car la vraie star de la série, c’est évidemment lui. Même s’il n’a réalisé « que » les quatre premiers épisodes, c’est suffisant pour imposer sa marque et donner le ton de cette adaptation, notamment dans un quatrième épisode sanglant qui convoque l’influence de Carrie au bal du diable (Brian de Palma, 1976).
Au-delà du style et de la mise en scène de la série, Mercredi Addams est surtout le personnage rêvé pour Tim Burton : comme les films de Barry Sonnenfeld, la série pointe l’intolérance persistante des Etats-Unis et célèbre la différence et la bizarrerie, en s’attaquant à ceux qui rejettent les marginaux et les outsiders comme Mercredi, vue comme une freak (monstre).
Tim Burton connaît tout cela par cœur, et cela fait d’ailleurs longtemps que son nom est associé à des adaptations de La Famille Addams, puisqu’il aurait pu notamment réaliser le film de 1991 à la place de Barry Sonnenfeld, s’il n’avait pas été occupé par Batman : Le Défi (1992). Plus de trente ans après, cette anomalie est enfin corrigée, et pas de la pire des manières.

Mercredi épisodes 1 à 8 sur Netflix, disponible avec CANAL+.