Schitt’s Creek a changé la représentation de l’homosexualité dans les séries
C’est avec cette phrase devenue culte que le personnage principal de Schitt’s Creek résume son orientation sexuelle à la fin de la saison 1. Face à la toujours géniale employée de motel Stevie (Emily Hampshire), David Rose révèle à l’aide d’une analogie savoureuse qu’il est pansexuel et pas gay comme la série pouvait le laisser penser jusqu’alors. Cocréateur de la série avec son père Eugene Levy, le canadien Dan Levy incarne lui-même ce personnage très imbu de lui-même quand il débarque avec sa famille dans le bled de Schitt’s Creek, mais dont l’évolution au fil des saisons est l’un des faits marquants de la série.
Si Dan Levy a confirmé en 2020 être lui-même gay, il a fait le choix de donner une visibilité bienvenue à la pansexualité, alors que cette orientation reste méconnue et mal comprise de beaucoup. Mais il n’imaginait sans doute pas que six saisons plus tard, Schitt’s Creek serait devenue un phénomène sériel célébré dans le monde entier – notamment pour son inclusivité – et que le personnage pansexuel qu’il incarne serait transformé en dizaines de GIFs et mèmes aussi drôles que le personnage qu’il interprète à l’écran.

Mais si David Rose est pansexuel – et indécrottablement célibataire pendant une bonne partie de la série –, il rencontre (SPOILER) lors de la troisième saison le personnage de Patrick (Noah Reid), avec qui il finit par former un couple – alors qu’on le pensait allergique à toute forme d’engagement amoureux. Et là où Schitt’s Creek se distingue, c’est dans la représentation de leur histoire. Contrairement à la grande majorité des fictions, la série laisse tous les clichés sur les couples d’hommes homosexuels au placard.
La relation entre David et Patrick est étonnamment « normale » par rapport à ce qu’on a l’habitude de voir sur un écran ; et plus que rafraîchissante, cette idée en apparence simple est en fait essentielle pour toute une frange du public qui a longtemps souffert de ne jamais avoir vu un couple gay représenté à l’écran exactement comme un couple hétéro. Et si on ne va pas non plus spoiler la conclusion de l'histoire de David et Patrick, leur relation de longue durée a droit aux développements habituellement réservés aux couples straight dans la fiction, quand tant de couples gays ont connu des fins tragiques dans l’histoire des séries. Ce trope narratif a d’ailleurs un nom tristement pertinent : « bury your gays ».

Enfin, l’une des caractéristiques de la ville malheureusement fictive de Schitt’s Creek où évoluent les personnages, c’est qu’on n’y trouve pas la moindre trace d’homophobie. Bien sûr, ce choix ne doit rien au hasard non plus, puisque Dan Levy a décidé lui-même que cette forme d’intolérance qui gangrène encore nos sociétés n’aurait pas sa place dans l’univers de la série, considéré comme un havre de paix. Car si l’on se sent toujours bien à Schitt’s Creek, c’est entre autres parce que son humour si particulier ne fait jamais rire aux dépens de minorités déjà assez visées dans la réalité.
Non seulement la pansexualité de David est acceptée naturellement par tous les personnages, mais sa romance avec Patrick ne fait pas non plus l’objet des mêmes remarques irrespectueuses que l’on a l’habitude d’entendre dans la réalité et dans beaucoup de séries. Notons par exemple que la sœur de David (jouée par Annie Murphy) apporte un soutien sans faille à son frère, et son personnage est d’ailleurs devenu une icône gay – comme Dan Levy depuis la diffusion de la série d’ailleurs. En normalisant les relations LGBTQ+ à l’aide d’exemples positifs, et en montrant qu’un monde sans homophobie est possible, Dan Levy a réussi à mettre Schitt’s Creek au service d’un idéal et à faire changer concrètement les représentations, dans les séries comme dans les esprits. C’est le pouvoir extraordinaire de la fiction.
Schitt's Creek saisons 1 à 6, disponibles en intégralité sur CANAL+.